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21 avril 2008 1 21 /04 /avril /2008 18:25

Vous connaissez Second Life ? Moi, j’en avais bien sûr entendu parler, mais sans plus. Alors, histoire de ne pas mourir idiote, je suis allée me cultiver un peu à l’École nationale supérieure des Beaux-Arts de Paris qui proposait, lundi dernier, une conférence sur la question de Second Life comme « nouveau territoire d’expérience artistique immatérielle ».

Petite définition préalable à l’usage des néophytes : « Second Life se présente comme un MMORPG, Massive Multiplayer Role Playing Game, (gigantesque jeu de rôle multi-joueurs). Créé en 2003 par la société californienne Linden Labs, à l’initiative de Philippe Rosedale, il compte actuellement plus de 8.500.000 résidents dans le monde entier.
Les MMORPG sont les descendants directs des jeux de rôle. À la différence de ces derniers, Second Life offre à ses résidents la possibilité de se construire une deuxième vie. En effet la plate-forme n’impose presque aucune règle de jouabilité, il n’y a pas de but à atteindre ni de mission à accomplir. Au contraire, les utilisateurs sont amenés à construire un univers habitable et à redéfinir continuellement les relations sociales. »

En fait de deuxième vie, j’ai d’abord cru que j’étais tombée dans la quatrième dimension (vous savez, comme dans la série qui passait sur La Cinq dans la fin des années quatre-vingt-dix). J’étais dans un lieu connu, assise sur une chaise tout à fait réelle, entourée d’êtres humains en chair et en os, adultes et responsables, parlant la même langue que moi, mais qui semblaient pourtant vivre dans un monde parallèle.

Il y avait cet artiste grec, Miltos Manetas, qui se voyait comme une sorte de Jésus de l’aire numérique prêchant dans le désert de SL (comprendre « désert » comme « lieu de tous les possibles, de l’indéfini infini ») pour un nouveau type d’art au-delà de l’art contemporain, un art subliminal issu de ce qu’il appelle l’ « Existential Computing ».

S’opposaient à ce nouveau messie les « Humains associés » de l’Ile Verte (île de SL qui accueillait la table ronde sur son espace virtuel, en interaction avec les slifers), avec leur concept de jardin poétique dédié à l’humanisme, à la poésie, aux arts, à l’architecture et à toutes ces jolies choses.

Heureusement, Mark Alizart, directeur de l’Action culturelle du Palais de Tokyo, était là pour tout remettre à sa place en nous replongeant dans la réalité du décor grandiose de la Chapelle des Petits-Augustins, accueillant un dispositif, à la fois impressionnant de modernité technique, avec ses écrans géants et ses connectiques complexes, et terriblement risible voire dérisoire, de par les nombreux couacs, dus aux inévitables « petits problèmes techniques ». Il a ensuite présenté le projet du Palais de Tokyo de développement, au sein de SL, du concept de « musée imaginaire » dont rêvait André Malraux.

Les artistes Alain De La Negra et Kaori Kinoshita présentaient des extraits de leurs entretiens vidéo autour de trois communautés américaines de slifers, les Furies (anthropomorphes), les Goréens (communauté de maîtres et d’esclaves) et les Chrétiens évangélistes qui tentent d’évangéliser les Goréens et autres âmes tordues égarées dans SL. On attend avec impatience de voir la suite (cet été à la Châtreuse, au Festival d’Avignon).

Mais celui qui se tape le meilleur délire dans la metaverse* de Second Life, même s’il a un peu de mal à nous faire rentrer dedans, c’est incontestablement l’architecte Grégoire Diehl, fondateur de l’agence SmoothCore. Partant du constat que, malgré la proposition de départ de SL « Your world, Your imagination », les avatars se contentaient bien souvent de projets architecturaux reproduisant peu ou prou la réalité, Smoothcore (représentée dans SL par l’avatar « Vivre la ville ») propose le MAP (Media Architecture Pattern). En gros - en très gros, parce que c’est vraiment barré comme truc ! -,  il s’agit d’un concept d’architecture dématérialisée génératrice d’émotions, qui s’articule autour des trois principes de la « trame », des « stimuli » et du « halo ». La trame, sorte de structure à la Tron, est le support modulaire sur lequel viennent s’accrocher des stimuli, conceptualisés sur le modèle d’une boule d’énergie à la Dragon Ball ou, si c’est plus parlant pour vous, des étincelles de la fée Clochette de Peter Pan (ce n’est pas un délire de ma part, je reprends texto les images utilisées par notre archi illuminé). Le halo est un script, vendu aux avatars, permettant l’activation des stimuli, qui font alors vivre la structure comme lieu de partage d’émotions, d’images et de sensations.

Il y avait encore quelques autres personnes plus ou moins intéressantes, dont l’astrophysicien du CNRS Étienne Parizot (caution de sérieux indispensable ; on a toujours besoin autour d’une table ronde d’un chercheur au CNRS) qui m’aura tout de même appris que la matière elle-même - la vraie, que l’on croit tous connaître ! - est en réalité immatérielle.

Quelques chiffres pour conclure :
Le montant des échanges commerciaux dans Second Life représente le deux-centième PIB mondial.
90% des échanges dans SL tournent autour de la fornication.

À méditer…
C.L.G.


* metaverse : univers parallèle à la réalité, qui s'en inspire tout en se montrant plus permissif et débridé.


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